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Position sur le Réseau Express Grand Lille (REGL)

Lors de la dernière plénière du mandat, je suis intervenu au nom du groupe de La Gauche sociale et écologiste sur le projet de Réseau Express Grand Lille (REGL) qui est conçu pour relier Lille au Bassin minier du Pas-de-Calais. Un débat public a été organisé par la Commission nationale du Débat public (CNDP) sous la responsabilité de la région, dont le rapport de synthèse est le support du débat en séance.

Monsieur le Président, chers collègues,

Le projet de Réseau Express Grand Lille est d’envergure et nous en connaissons l’origine. Je remercie d’ailleurs Alain WACHEUX pour sa présentation exhaustive et pédagogique tout à l’heure.
Alors que des dizaines de milliers de nos concitoyens connaissent l’enfer des embarras de circulation, à l’aller comme au retour, aux portes de la métropole lilloise, il est normal que les pouvoirs publics s’emparent de ce problème. Malgré les investissements lourds consentis par la région pour assumer sa compétence transports, nous constatons la saturation du réseau TER dans les liaisons vers Lille. Le projet répond donc à un besoin identifié incontestable.

Cependant, la solution proposée consiste à doubler la liaison TER entre Hénin-Beaumont et Lille avec l’ensemble de l’infrastructure des gares et dessertes qui doivent y être ajoutées. L’objectif affiché vise à diminuer les temps de trajet et à démultiplier l’offre de déplacement. Très bien.
Lors du travail d’élaboration du dossier du maître d’ouvrage préalable à l’enquête publique, nous avons appréhendé les enjeux et pièges d’un dossier complexe. Comme l’a dit Alain WACHEUX, le débat public a apporté beaucoup en mobilisant des socioprofessionnels et une partie des habitants de la région, mais ce débat laisse pendantes des questions de fond. Certaines vont recouper d’ailleurs ce que Bertrand PERICAUD vient de dire, donc je vais faire un peu plus bref.

La première grosse question que nous pose cette délibération est la future gouvernance du réseau REGL. Aujourd’hui, le risque de gestion privée est toujours posé, et pour nous, ce n’est pas supportable, ce n’est pas une question négociable. Nous voulons une gestion publique de cette infrastructure, si elle doit voir le jour. Par ailleurs, cette nouvelle infrastructure risque de se mettre en position de concurrence avec le réseau TER existant, ce qui posera des problèmes d’entretien simultanément des deux réseaux et des deux systèmes de gares et dessertes qu’il faudrait éventuellement créer.

Deuxième question importante : le modèle économique. Nous avons beau chercher dans le dossier de maîtrise d’ouvrage, il n’y a pas véritablement d’analyse économique ni de modèle économique du REGL en parallèle avec celui du TER. Chacun entend bien qu’un tel service puisse être structurellement déficitaire à condition que le bénéfice global, notamment social et environnemental, soit positif. Quelque part, c’est la situation qui existe aujourd’hui avec le TER. Nous sommes en capacité cependant de dire ce que coûte le TER, mais nous n’avons pas d’évaluation de ce que coûterait le REGL en fonctionnement. Lors de l’élaboration des documents de débat public, nous avons, avec d’autres élus, attiré l’attention là-dessus. On nous a dit qu’une étude économique existait, mais je n'en ai pas eu communication.

Troisième question posée par le REGL : la soutenabilité des coûts d’investissement, notamment pour le joyau que serait la gare souterraine de Lille Flandres, indispensable à la réussite du projet, et dont le coût de réalisation semble manifestement sous-estimé à 490 millions d’euros. Je ne vais pas refaire le débat ici qui a déjà eu lieu en commission. D’autres exemples montrent que 490 millions pour un endroit aussi compliqué à construire ne semblent pas totalement réalistes. De façon générale, le risque existe que les financements nécessaires à ce projet assèchent la possibilité d’investissement ferroviaire sur le reste de la région.

J’ajouterai aussi une quatrième question. C’est, semble-t-il, le manque d’association avec la MEL et la ville de Lille. Ce sont des questions qui ont été relayées d’ailleurs dans le compte rendu du débat public. Ce n’est pas une petite affaire non plus. Il ne s’agit pas simplement d’amener des dizaines de milliers de voyageurs en plein coeur de Lille, encore faut-il savoir quoi en faire ensuite et savoir si les réseaux de transports au coeur de Lille sont dimensionnés pour les recevoir et les rediffuser vers leur destination.

Le projet répond apparemment à un besoin, mais est-il la seule solution ? D’autres scénarios sont envisagés qui ne sont pas à dédaigner. Je ne vais pas rentrer à nouveau dans le débat, ils sont clairement expliqués dans le document du débat public, mais il semble que ces hypothèses aient été écartées peut-être un peu trop rapidement, notamment l’amélioration du réseau existant et l’investissement de plus long terme sur ce réseau.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas pour nous de discuter du bienfondé du volontarisme régional en matière de transport ferroviaire ni de discuter du bon sens d’investir dans des infrastructures de long terme, mais d’interroger la pertinence d’un projet calibré aujourd’hui pour une région assise sur les deux seuls départements du Nord et du Pas-de-Calais, d’un projet qui encourage la métropolisation à l’oeuvre dans la région. C’est un peu le pompier pyromane. S’il s’agit d’abonder encore la pompe à circulation dans la région vers le coeur de la région qui est Lille, on risque de retrouver le même phénomène de thrombose que l’on connaît déjà pour les routes : plus on ajoute de routes, plus on a
de circulation et plus on doit faire de routes, et ainsi de suite.


Notre région va s’unir à la Picardie. Dans ce nouveau contexte et au vu des importantes questions posées par le REGL, nous aurons deux positions de vote. Michel HECQUET et moi-même nous abstenons sur cette délibération, tandis que Michel AUTES et Sylvain ESTAGER ont souhaité voter positivement. Nous pensons donc que le débat et l’instruction doivent continuer avec une vigilance importante sur les points évoqués.
Je profite aussi de cette dernière délibération transports et de ma dernière intervention en plénière à ce sujet pour remercier Alain WACHEUX et les services de la direction transports avec lesquels nous avons été en contact, en tout cas pour ma part, depuis 2010, et dont j’ai apprécié constamment la collaboration. Merci à vous.

Merci de votre attention.

Une nouvelle convention TER pour le Nord-Pas-de-Calais

Contrôle TER Nord-Pas-de-Calais à Lille

Le 2 avril 2015, la Région Nord-Pas-de-Calais et la SNCF ont signé une nouvelle convention pour le transport des voyageurs en TER (Trains express régionaux), convention dont nous pouvons nous réjouir. Rappelons que 60.000 voyageurs empruntent chaque jour nos TER et que nous souhaitons doubler ce nombre à l’horizon 2020 (par rapport à la fréquentation de 2006).

Le transport des voyageurs est une vieille compétence des conseils régionaux, et ce depuis 2002. Cette politique représente le premier poste budgétaire de la région avec 23% des dépenses de l’institution qui entretient une histoire particulière avec le rail. La nouvelle convention présente plusieurs caractéristiques que je vais décrire ici.

D’abord et avant tout, elle est le produit d’une méthode d’élaboration participative lancée et soutenue par le président de la Commission Transports, Dominique Plancke (EELV). Ladite commission, dont je suis membre depuis 2010, a reçu les représentants de la SNCF, les organisations syndicales de cheminots, les associations d’utilisateurs des transports collectifs, et les autorités organisatrices de transport (AOT, pour faire bref ce sont les syndicats locaux de transports collectifs) du Nord-Pas-de-Calais. Le tout à deux reprises. Nous avons ainsi pu à la fois entendre les demandes de ces partenaires, et leur soumettre les pistes de négociation entre la région et la SNCF. Tout ceci a permis au conseil régional d’intégrer dans son corpus des données et arguments qu’elle n’avait pas spontanément intégrés, donc de jouer son rôle de représentant de l’intérêt général.

Concrètement, les négociations ont été menées par les services de la Direction au transport du conseil régional, sous l’égide du vice-président Alain Wacheux (PS) et sous la surveillance du président de région.

En effet, Daniel Percheron tenait à « boucler » la nouvelle négociation avant la fusion de notre région avec la Picardie, et ce pour deux raisons essentielles que nous soutenions. D’une part, l’exécutif tenait à garantir que la nouvelle convention ne permettrait pas la suppression d’un seul emploi de cheminot. Daniel Percheron s’y était engagé à plusieurs reprises en public, notamment lors de la cérémonie annuelle des vœux aux cheminots. D’autre part, tant l’exécutif que les membres de la commission Transports voulaient éviter de trouver dans notre convention une disposition déjà existante à titre expérimental en Picardie : le dispositif « équipement agent seul » (EAS). Pour nous, pas question que des trains roulent avec le conducteur seul, sans accompagnement des voyageurs, sous prétexte que des dispositifs de vidéo-surveillance sont prévus dans les rames. Le dispositif EAS n’est pas absent de la convention, il est explicitement interdit.

La nouvelle convention présente donc ces spécificités, ainsi que :

_une durée de 10 ans (même si la fusion avec la Picardie permettra de rouvrir le dossier afin d’harmonisation si nécessaire à compter de 2018) ;

_L’engagement de maintenir une présence humaine en gares ;

_La création d’une instance de concertation réunissant pour la première fois le conseil régional, les AOT, les organisations syndicales et les associations d’utilisateurs.

Il faut souligner à l’obtention de ce résultat le rôle joué finalement par trois groupes : EELV, l’Opposition régionale (UMP-UDI) et le nôtre La Gauche sociale et écologiste, avec une mention particulière pour ma collègue Valérie Pringuez qui a réemployé ici tout le savoir-faire et la pugnacité acquis dans le champ syndical.

Lors de la plénière du 30 janvier, l’assemblée régionale a débattu du projet de convention et apporté de nouveaux amendements. C’est ce texte amendé par nos soins et adopté à la quasi-unanimité (sauf le FN) qui a été communiqué aux instances nationales de la SNCF, dont l’accord n’était pas acquis au vu des demandes du conseil régional.

Mais les trains ne roulent pas pour rien. En résumé, le devis 2015 pour l’ensemble de la prestation de la SNCF est de 243 millions, à comparer au devis 2014 qui était de « seulement » 232 millions. Il est clair que si la maîtrise des coûts est à l’ordre du jour (nous avons gagné une plus grande lisibilité sur le détail des coûts répercutés par la SNCF), faire des économies n’était pas la priorité du conseil régional.

Nous savons maintenant que les instances nationales de l’entreprise ont hésité à entériner nos propositions. Mais, fait unique dans l’histoire de la décentralisation ferroviaire, notre convention a été adoptée à l’unanimité du conseil d’administration de la SNCF, donc avec l’assentiment de l’ensemble des représentants des salariés. C’est pour nous un immense succès.

Maintenant que cette convention est signée, il faut la faire vivre et respecter. En 2019, le transport voyageur sera ouvert à la concurrence au niveau européen (merci Bruxelles… et Paris qui a lâchement accepté cette nouvelle atteinte à la souveraineté populaire). La SNCF, au grand dam de ses salariés, se comporte de moins en moins comme un service public, et de plus en plus comme une entreprise classique. Nous espérons que cette convention nous permettra de passer ce cap dans les meilleures conditions pour l’emploi et le service public.

Depuis 2010, je siège à la Commission Transports où j’ai appris petit à petit à me repérer dans un monde passionnant. Les Transports touchent à l’organisation de la société sur le plan économique et privé. Les problématiques rencontrées concernent tout autant l’aménagement du territoire que l’environnement ou les conditions de travail des salariés (ceux qui travaillent pour le train comme ceux qui l’utilisent). Et puis, nous sommes la première région d’industrie ferroviaire de France (seconde d’Europe), avec 10.000 salariés et de belles entreprises. Nous avons donc la chance de pouvoir utiliser du matériel fabriqué et assemblé sur place. Souvent, nous doutons pouvoir vraiment influer sur les événements. En Nord-Pas-de-Calais, cette convention porte bien la marque du volontarisme politique.

Le secteur ferroviaire menacé par l’austérité

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Il y a quelques semaines, j’avais signalé ici dans un billet combien les patrons de l’industrie ferroviaire (parmi d’autres) étaient inquiets des politiques d’austérité menées par le gouvernement. Deux nouvelles récentes ne peuvent que nous inquiéter quant au devenir du secteur ferroviaire en France.

Selon un communiqué commun de la fédération des industries ferroviaires (FIF), de la fédération des industries mécaniques (FIM) et la fédération des professionnels de l’ingénierie (SYNTEC-Ingénierie) publié le 4 décembre, la filière ferroviaire française est en grave danger.

Il faut dire que, à part pour les rames de métro, les perspectives de commandes de matériels roulants (TGV, TER, trains Intercités-TET) sont quasi nulles après 2016-2017. À cela deux raisons principales : d’une part, les régions n’ont plus les moyens d’investir dans les rames TER : la diminution des dotations d’État est passée par là, ses effets sont déjà visibles. D’autre part, l’État ne manifeste aucune ambition pour le soutien au trafic intercités, caractérisé par un parc roulant très usagé qui devrait être remplacé. Les besoins existent donc, mais ne sont plus solvables faute de moyens publics. Pour le dire encore autrement, les investissements publics sont fortement ralentis ou au point mort. En résumé, d’après le Monde du 4 décembre, le chiffre d’affaire du secteur pourrait passer de 1,4 milliard d’euros en 2013 à… 300 millions d’euros en 2018 !

Le danger créé par cette situation est clair. La moitié des 21.000 emplois dans la filière sont directement menacés à court terme. Cinq sites majeurs de production pourraient fermer. Rappelons que le Nord-Pas-de-Calais concentre pas moins de 10.000 emplois de la filière, notamment concentrés chez Bombardier à Crespin et Alstom à Petite-Forêt ! C’est dire si le destin de ce secteur industriel nous concerne.

Voilà une manifestation très concrète des politiques d’austérité appliquées aux budgets publics. On redécouvre tout à coup que la dépense publique ne consiste pas à jeter l’argent dans un puits sans fond, mais fait vivre des entreprises industrielles, du bâtiment, des services, donc fait tourner le système économique. En règle générale, la dépense publique intervient là où le privé ne voudra jamais investir à long terme (infrastructures), ou le ferait à des prix prohibitifs.

Pour la filière ferroviaire, ce malheur n’arrive pas seul. La récente réforme ferroviaire a créé une structure de tête au-dessus de la « SNCF mobilités » et de RFF rebaptisé « SNCF réseau », appelée SNCF tout court. Le gouvernement Valls a choisi comme premier président du conseil de surveillance de la nouvelle SNCF un patron du privé, Frédéric Saint-Geours, ancien de Peugeot et président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM, premier syndicat du Medef). Comme le remarque Politis, n’y avait-il pas d’autre choix pour cette charge stratégique qu’un énarque ayant passé sa vie à pantoufler et pour qui le Service public ne peut être qu’un gros mot ? Au moins, on sait ce qu’il pense de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire, prévue à l’horizon 2019… Après une telle nomination, y a-t-il encore la moindre ambiguïté sur l’orientation droitière du gouvernement ?