Le 18 décembre, le conseil régional Nord-Pas-de-Calais organisait son "débat d'orientation budgétaire" (DOB) pour 2015, débat sans vote et étape obligatoire avant le débat budgétaire proprement dit dans un mois. J'y ai exposé la position de mon groupe, attentif au soutien aux investissements de la région pour faire front à l'austérité.
Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, chers collègues,
Je remercie Monsieur le Vice-président de son exposé de la situation, pédagogique comme chaque année, très clair et objectif. Nous connaissons déjà bien les paramètres du débat : une situation économique déprimée, dans laquelle les entreprises et les états européens sont enlisés, situation dont le plus frappant est sans doute aujourd’hui l’absence de perspectives.
Nous sommes entrés dans une spirale dépressive, entretenue par une politique économique contracyclique. Les États en Europe ont décidé que le premier problème à régler était celui de la dette publique, avec pour effet de contracter la commande publique et de barrer l’horizon économique.
Il y a d’ailleurs un comble dans le fait qu’en France, l’État s’est endetté, mais fait porter l’effort de désendettement en priorité sur les collectivités locales dont les comptes sont globalement sains.
Par ailleurs, la légitimité de cette dette publique est en partie discutable, car elle résulte de choix favorables aux grandes entreprises, aux multinationales et aux contribuables les plus riches.
L’État a donc cessé d’investir, laissant les collectivités locales le faire, et maintenant, c’est ce dernier moteur que l’on éteint. Les entreprises elles-mêmes consacrent leurs liquidités, quand elles en ont, non à l’investissement, mais au désendettement, soit une stratégie de rentier, au détriment complet de l’activité et de l’avenir.
Dans ce contexte, la dépense publique, en particulier l’investissement, est un soutien indispensable à l’activité économique. C’est clair lorsque nous soutenons la rénovation urbaine ou entreprenons des travaux d’équipement, c’est clair aussi, par exemple, lorsque nous achetons du matériel ferroviaire. À cet égard, entendrons-nous l’appel de notre industrie ferroviaire en grand danger faute de commandes publiques ? La question n’est, bien sûr, pas posée seulement à notre institution.
Le Conseil régional est à la fois un acteur économique capable de vision de long terme, nous l’avons montré, et un soutien immédiat à l’activité locale au travers de nombreuses politiques publiques d’aménagement, d’éducation, de formation, de transport, etc. Vous l’avez rappelé, depuis la disparition de la taxe professionnelle, les ressources du Conseil régional sont presque totalement dépendantes de décisions prises ailleurs. Notre autonomie est donc très théorique. Par ailleurs, les dépenses sont fortement conditionnées par des compétences obligatoires et bien souvent par notre souci de pallier les manquements de l’État.
Dans le moment que nous vivons, il est essentiel que nous ne cédions rien sur l’investissement, que les projets régionaux soient soutenus et que notre collectivité continue de jouer un rôle de mise en cohérence des dispositifs de développement. Il y a tant à faire dans une région qui s’essaye à la transition sociale et écologique. Elle ne se fera pas sans une participation publique déterminante.
Notre groupe note avec intérêt le cap que vous indiquez, à savoir une stabilité des moyens de fonctionnement, alors que l’an dernier, une décélération était programmée, et la continuité de l’effort d’investissement.
Nous notons avec encore plus d’intérêt, sans jeu de mots, que la dette de notre Conseil régional est maîtrisée, avec une durée de remboursement moyenne d’environ sept ans, ce qui, pour nous, signifie que nous avons les moyens de prendre le relais d’un État défaillant, à la hauteur, par exemple, des 32 millions d’euros de manque à gagner sur la DGF 2015. Notre capacité d’endettement nous y autorise et les taux auxquels nous pouvons emprunter nous y incitent.
Vous avez appelé, Monsieur le Vice-président, à la responsabilité et au pragmatisme. Pour notre groupe, la responsabilité et le pragmatisme se résument au soutien à l’économie locale pour éviter la casse de l’outil.
Nous ne sommes pas les seuls à pâtir de la politique de désendettement choisie par le gouvernement, mais nous ne réagissons que faiblement. Permettez-moi de faire référence à deux importantes municipalités, Paris et Grenoble, dont les maires ont pris des positions claires et courageuses contre les politiques d’austérité. À Paris, la majorité, pourtant de la même couleur politique qu’en Nord – Pas de Calais, a adopté un programme d’investissement record pour « accélérer la dépense publique et créer ou maintenir 200 000 emplois directs et indirects ». À Grenoble, le maire Éric PIOLLE et sa majorité lancent un appel contre "l’austérité imposée" et critiquent « l’impact récessioniste très fort » de cette politique. Des appels de ce genre se multiplient, très souvent organisés autour des communes qui, il faut l’avoir en tête, ont gardé des capacités fiscales dont nous sommes démunis. Et nous, quel message enverrons-nous ?
Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, nous savons aussi combien ce débat d’orientations budgétaires est historique, car, vous l’avez noté, c’est le dernier pour notre institution. Nous pouvons avoir le coeur lourd de voir le compte à rebours commencer aujourd’hui vers une fusion de régions que presque personne n’a désirée. Cathy APOURCEAU-POLY a pu dire tout à l’heure à juste titre que nous l’avons découverte il y a peu de temps. Fusion qui n’a jamais été approuvée par le vote des citoyens, drôle de décentralisation qui considère les collectivités territoriales comme des mineures sous tutelle permanente.
Oui, nous sommes bien à la fin d’un cycle, nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous parlerons enfin des futures compétences et des moyens alloués aux grandes régions fusionnées.
Merci de votre attention.
Photo de l'oeuvre de Mme Bénédicte DUBART "Aguavidad", exposée il y a deux ans dans le hall du conseil régional.