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Le dernier budget du Nord-Pas de Calais

Le 29 janvier, le conseil régional Nord-Pas-de-Calais a voté son dernier budget. Depuis que le Conseil constitutionnel a validé l’union entre notre région et sa voisine la Picardie, le 15 janvier dernier, il n’y a plus aucun espoir de stopper ce processus. Drôle de séance donc pour une assemblée régionale dont c’est le dernier tour de piste après 40 ans d’existence, mais qui ne prépare en rien cette union que nous savons inéluctable.

Drôle de budget pour 2015. En effet, en dépit d’une diminution de 32,4 millions € de la dotation globale de fonctionnement (DGF) due au plan d’austérité annoncé il y a un an, l’exécutif et le président Percheron ont plutôt ouvert en grand les vannes de l’investissement.

La comparaison du budget 2015 avec celui de 2014 est rendu difficile par l’évolution de son périmètre, comme l’a très honnêtement expliqué le vice-président aux finances Rudy Elegeest. Ainsi, des décisions au niveau de l’État font apparaître de nouvelles rentrées (recettes de fonctionnement) en contrepartie de nouvelles charges (dépenses de fonctionnement, sur l’apprentissage notamment), ce qui crée une impression d’augmentation de la partie « fonctionnement » du budget. En réalité, la partie fonctionnement a plutôt tendance à diminuer légèrement (tant en recettes qu’en dépenses) de quelques dixièmes de pourcents. Compte-tenu de l’augmentation naturelle de la masse salariale (appelée « glissement vieillesse-technicité » GVT), cela signifie que les dépenses de fonctionnement hors salaires diminuent. Cela atteint -8% pour les politiques régionales non préservées, et même -11% pour les moyens de l’institution.

Du côté de l’investissement, le conseil régional est sur une trajectoire stable en recettes comme en dépenses (hors effet « Calais 2015 » et sans les programmes européens), ce qui est très méritoire dans l’ambiance économique actuelle. Si l’on ajoute les programmes européens et Calais 2015, on augmente significativement la capacité d’intervention de la région. Le maintien de cet effort d’investissement se traduit par un recours accru à l’endettement, de presque 500 millions €, ce qui fait de 2015 un millésime exceptionnel.

Sylvain Estager a exprimé l’avis de notre groupe sur le projet de budget avant le débat d’amendements en indiquant notre approbation de la politique de soutien à l’activité via l’emprunt, politique rendue possible par une très bonne gestion de la dette. Soulignons que c’était exactement la position exprimée au nom du groupe lors du débat d’orientation budgétaire en décembre dernier.

Une cinquantaine d’amendements au budget ont été débattus. Ceux du FN étaient tous des provocations et ont été rejetés. Trois amendements proposés par EELV ont été adoptés. Comme ils portaient sur la diffusion de la Troisième révolution industrielle vers le public lycéen, nous nous sommes abstenus à leur sujet (voir notre position sur la TRI). Le groupe Front de gauche-communistes et unitaires a proposé d’accentuer le soutien à l’activité économique et de défendre l’offre de soins dans la région. Nous avons voté ses amendements qui ont été souvent acceptés par l’exécutif, à des montants inférieurs la plupart du temps à ceux demandés. Le groupe FdG-PCU a demandé également le maintien de l’investissement sur les lycées, en forte baisse depuis deux ans (de 175 millions en 2013 à 150 en 2015). L’exécutif n’a pas accordé cet amendement mais a réévalué les autorisations de programme pour les années futures. J’y reviendrai plus bas.

Quant à notre groupe, il a déposé huit amendements au budget. Nous avons eu gain de cause sur l’alignement de la bourse des filières sanitaires et sociales (BESS) sur les bourses d’État, soit 200.000 € par an. Pour les étudiants concernés dont nous gérons la formation, cela concrétise l’égalité de traitement avec leurs collègues des autres filières.

Notre amendement, convergent avec celui déposé par le groupe FdG-PCU, visant à rétablir un million d’euros pour le fonctionnement pour la Culture, a été retenu et valorisé à 750.000 €.

Nous avons obtenu le financement d’une étude sur le recyclage des batteries rechargeables pour 30.000 €. En effet, comme je l’ai exprimé en séance, que l’on soit pour ou contre le développement de la voiture électrique, il est important d’être éclairé sur le caractère recyclable de la principale pièce du véhicule, à savoir la batterie, qui suscite nombre d’inquiétudes.

Enfin, nous avons pu décrocher un financement accru pour l’encouragement des circuits-courts dans l’alimentation. Une expérimentation a eu lieu qui était financée à hauteur de 100.000 €. La ligne de crédit budgétaire sera portée à 250.000 € ce qui permettra de généraliser l’opération.

En revanche, nos autres amendements ont connu un sort moins favorable. Nous avons défendu l’idée de créer une ligne budgétaire spécifique pour soutenir les politiques de biodiversité en milieu urbain. L’exécutif a répondu que ce type de politique était déjà prise en considération dans les programmes, ce qui n’offre pas (de notre point de vue) la même visibilité ni la même obligation de résultat. Par ailleurs, nous avons voulu réaffirmer le principe de gratuité du transport de lycéens, qui conditionne le versement de la subvention régionale aux collectivités qui remplissent le rôle d'"autorité organisatrice de transport" à la gratuité effective pour les familles. En effet, le conseil régional finance les agglomérations pour ce faire, mais elles ont tendance à se désengager au profit d'autres politiques de transport, d'où notre demande de réaffirmation de ce principe. Amendement rejeté pour ne pas relancer la question qui a déjà suscité beaucoup de remous au conseil régional.

Au final, mes collègues Michel Autès, Michel Hecquet, Sylvain Estager et Valérie Pringuez ont approuvé le budget, tandis que je me suis abstenu (voir mon intervention). Sans nier les points positifs du budget, il est dommageable de mon point de vue, que l’investissement sur les lycées soit en baisse au moment où le secteur du bâtiment devrait être activement soutenu. De même, la réduction substantielle des moyens de fonctionnement est un très mauvais signal envoyé aux services et aux citoyens.

Le dernier budget de la région Nord-Pas de Calais sera donc tourné vers l'avenir grâce à un niveau record d'investissement, mais ambigu quant au fonctionnement pour cette dernière année du mandat et de notre institution.

Stop au vandalisme culturel !

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Je vais souvent au concert, en particulier au Nouveau Siècle où se produit l’orchestre national de Lille. Un événement rare s’y est déroulé hier soir : la prise de parole d’un musicien en préambule du concert afin d’attirer notre attention sur la mobilisation mondiale des musiciens d’orchestre permanent.

La Fédération internationale des musiciens (FIM) lance un appel intitulé « Stop au vandalisme culturel » et alerte l’opinion mondiale sur la disparition de nombreux orchestres permanents et d’opéras ces dernières années, « en Bulgarie, au Danemark, en Allemagne, en Grèce, aux Pays-Bas, en Espagne, ou encore en Argentine ou aux États-Unis ». La goutte d’eau qui a récemment fait déborder le vase est le licenciement  brutal de l’orchestre permanent de l’opéra de Rome. Les vandales qui portent la responsabilité de ces décisions sont les élus locaux et nationaux de ces pays qui entérinent les coupes budgétaires. C’est un crime pour plusieurs raisons.

D’abord, un orchestre permanent est à la fois un collectif d’histoire incarnée, une expérience unique, et une capacité d’apprentissage et d’adaptation renouvelée. Tuer ce collectif est un gâchis aussi grand que, dans un autre registre, couler une entreprise juste parce qu’elle ne fait pas assez de profit. Dans les deux cas, c’est l’insensibilité des décideurs devant le caractère irremplaçable du collectif humain qui est en cause.

D’autre part, entraver la pratique culturelle qui consiste à aller au concert n’est pas anodin. Cela révèle un projet de société antidémocratique. Oh, le riche et le bourgeois auront toujours les moyens de vivre ce moment ! Mais les autres ? Le pourront-ils encore lorsque les institutions culturelles commenceront d’être touchées mortellement par les restrictions budgétaires ? La situation actuelle n’est déjà pas satisfaisante puisque la fréquentation des concerts est largement corrélée au groupe social auquel on appartient. Liquider les orchestres permanents ne peut que confiner la musique d’orchestre aux classes aisées.

Mais me dira-t-on, est-ce si grave après tout ? Il y a tant d’autres problèmes dont se préoccuper… Oui, si l’on croit à la démocratie en tant que processus d’émancipation des individus, lesquels feront des citoyens qui eux-mêmes donnent corps à la vie démocratique. Et la pratique culturelle (musicale comme bien d’autres) y contribue[i]. L’accès à la culture est un impératif démocratique, jamais un luxe ! Abandonner ces politiques revient à changer insensiblement de projet politique, à abandonner le processus de démocratisation (qui ne se réduit bien sûr pas à son aspect culturel, mais qui se rattache au projet de la République sociale).

Si la France n’est pas touchée pour le moment par la vague de fermeture d’orchestres permanents, la menace existe bien du fait de la quête forcenée d’économies dans les budgets publics. Pendant ce temps, M. Bernard Arnault peut jouer les mécènes en ouvrant une fondation dédiée à l’art contemporain. Misère publique, richesse privée, rien ne vous étonne ?

Dans son Alexis, Marguerite Yourcenar écrit : « Les gens qui vont au théâtre cherchent à s’oublier eux-mêmes ; ceux qui vont au concert cherchent plutôt à se retrouver. Entre la dispersion du jour et la dissolution du sommeil, ils se retrempent dans ce qu’ils sont. Visages fatigués des auditeurs du soir, visages qui se détendent dans leurs rêves et semblent s’y baigner ».  Pour que tout le monde puisse se baigner dans ses rêves, signez et faites signer la pétition de la FIM !

 


[i] Je pourrais évoquer aussi la disparition des bibliothèques publiques anglaises, canadiennes et américaines, ainsi que d’importantes bibliothèques de recherche en Italie. Ces dernières années, ce sont plus de 10% de ces établissements qui ont fermé outre-manche.

 

Bienvenue aux réserves nationales du musée du Louvre

Avec quelque retard, je mets en ligne ma contribution au débat portant sur l'implantation des réserves nationales du musée du Louvre dans l'agglomération lensoise. Début juillet, nous avons eu à décider de financer ou pas un équipement qui relève des compétences d'Etat. M. Hervé Barbaret, adjoint à l'administrateur général du musée du Louvre, est venu nous présenter de manière fort convaincante le projet qui vient appuyer l'élan créé par le Louvre-Lens.

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous savons maintenant quel succès représente l’implantation du Louvre à Lens et dans son arrondissement ; au nombre de visiteurs plus important que prévu, 900 000 pour la première année de fonctionnement, nous voyons s’ajouter une nouvelle dimension au projet avec le pôle de conservation des oeuvres.
Le Conseil régional est particulièrement impliqué dans la réussite de ce projet de développement à la fois culturel et économique. Il est donc logique de chercher à prolonger ce premier engouement en surfant sur la vague Louvre-Lens, en accueillant un ensemble d’activités économiques et de prestige comme celui dont nous débattons aujourd’hui.
La question ne date pas d’hier, cela a été redit par Monsieur BARBARET, les réserves parisiennes du Louvre sont à l’étroit et surtout sont en danger. Nous avons l’opportunité d’accueillir le pôle de conservation des oeuvres du plus grand musée du monde à proximité de son implantation lensoise. Cette occasion unique, nous ne devons pas la manquer. Même si toutes les oeuvres en réserve n’ont pas vocation à être exposées, elles constituent un fonds d’une richesse sans équivalent à proximité de l’implantation lensoise de nature à développer encore l’attrait du site. Ce fonds constitue une base unique au monde pour la recherche en histoire de l’art.
L’exposé de Monsieur BARBARET nous a considérablement éclairés sur les potentialités et la dynamique qui pouvait être impulsée autour de cette implantation lensoise, notamment ce qu’il a dit sur le pôle numérique, sur l’innovation muséale que l’on pouvait attendre de l’implantation de ces réserves, de l’arrivée des métiers d’art.
J’élargirai même la réflexion en disant que c’est une pièce dans un dispositif beaucoup plus large d’animation économique de l’arrondissement de Lens, que nous devrons accompagner durant les années qui viennent par la formation des personnels, des futurs salariés, et qui justifie aussi notre détermination, notre pugnacité à défendre la desserte ferroviaire TGV de Lens et de son arrondissement. Contrairement à ce qui a été entendu sur certains bancs qui doutent de la pérennité et de la qualité des emplois qui
peuvent être développés dans le secteur, on peut imaginer tout au contraire que ces chercheurs, ces nouveaux emplois, il faudra les accompagner, les loger, les nourrir et créer une desserte rapide, efficace avec Paris, Bruxelles, Londres et avec l’Europe rhénane. Voilà pour l’intérêt scientifique et culturel du projet.
Parlons maintenant d’argent. Je vois avec intérêt que dans plusieurs groupes nous avons les mêmes problématiques. On peut déplorer une fois encore que l’État, via l’établissement public du Louvre, nous laisse la charge de 30 millions d’euros sur les 60 millions du coût de construction. Autrement dit, il nous demande de prendre en charge 50 % d’un investissement qui est à 100 % initialement de son ressort tout en continuant de pressurer nosressources. Vous nous avez rassurés sur le fait que le fonctionnement
de cet établissement ne serait pas à la charge du Conseil régional et cela paraît logique vu le mode de fonctionnement administratif des réserves.

Au final nous soutenons cette délibération eu égard au succès déjà rencontré par le musée du Louvre au coeur du bassin minier dont le rayonnement ne doit pas s’arrêter là. Mais, comme nos collègues, nous attirons l’attention sur deux points de vigilance. D’une part nous souhaitons que l’engagement régional de 30 millions d’euros soit bien un plafond, un maximum car, nous le disons d’emblée, nous ne soutiendrons pas un dépassement à la charge du Conseil régional. Il serait inconcevable d’être sollicité davantage en cas de dépassement du devis initial ce qui ne serait pas une première.
D’autre part, cela a déjà été dit, la délibération fait référence à l’appel aux fonds FEDER pour mener à bien l’investissement et nous demandons que la part FEDER vienne en déduction exclusive de la participation du Conseil régional. C’était implicite mais encore faut-il l’acter.
Répétons-le, la mission patrimoniale et de conservation est une prérogative d’État. Notre engagement doit être plafonné et exceptionnel pour ne pas créer de fâcheux  précédents. Mais il nous apparaît clairement que le projet est d’intérêt régional et pour un très long terme et pour cette raison nous le soutenons.