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Sauver Arc International et Arjowiggins-Wizernes

Le 13 novembre en séance plénière, j'ai apporté le soutien du groupe "La Gauche sociale et écologiste" à la motion déposée par le groupe "Front de gauche, communiste et unitaire" qui visait à défendre l'idée d'une prise de participation par la Banque publique d'investissement (BPI) dans deux entreprises de l'Audomarois en difficultés.

Monsieur le Président, chers collègues,

Nous sommes saisis de la situation dramatique de deux entreprises de l’Audomarois confrontées à des difficultés sectorielles.
Arc International, à Arques, fait face à des marchés européens stagnants, alors que les autres sites mondiaux du groupe sont en croissance sur des marchés porteurs. C’est donc l’organisation interne de l’entreprise, à savoir le lien entre le lieu de production et les lieux de vente, qui est en cause. L’arrondissement de Saint-Omer est en situation de quasi monoindustrie autour de la verrerie cristallerie, d’où l’inquiétude légitime autour du devenir de cette entreprise.

Quant au groupe Arjowiggins, il souffre dans son ensemble de la crise du secteur papetier – je signale qu’un autre site, isérois, est aussi en difficulté dans le même groupe –, notamment liée à l’éloignement des sources de matières premières, à savoir le bois, crise aggravée par la décroissance de la consommation de papier et la concurrence intraeuropéenne. Son site de Wizernes tombe en plein dans ces problèmes.
La situation de ces deux entreprises révèle des difficultés de pilotage de leurs propriétaires respectifs qui, pour l’instant, semblent assumer leurs responsabilités sociales. Elle révèle aussi l’absence de stratégie industrielle de l’État et de l’Europe.
En parallèle, l’absence de moyens financiers dévolus aux collectivités territoriales nous réduit quasiment à l’impuissance publique. On est donc réduit à une stratégie un peu de cas par cas, dans l’attente de chevaliers blancs.

Justement, nous faisons face à l’arrivée de groupes financiers privés qui s’intéressent à ces entreprises, avec tous les risques que nous craignons derrière, c’est-à-dire une exigence de rentabilité élevée, un coût du capital phénoménal, le renoncement aux projets de développement et plutôt des stratégies de découpage en morceaux de ces groupes, d’où une grosse inquiétude de la part des territoires et des salariés.

Dans ce contexte, la motion en appelle à la participation de la Banque publique d’investissements (BPI), dont le potentiel d’intervention, nous le savons, est fort limité. Il faut rappeler que cet établissement financier est le résultat du mariage d’Oséo, de la CDC Entreprises, du fonds stratégique d’investissement. La BPI n’est donc pas dotée d’argent neuf, mais restructure des organisations déjà existantes, déjà à la manoeuvre sur le champ économique, elle ne crée pas de nouveaux moyens dans l’absolu.
Avec toutes ces limites, nous sommes d’accord avec le ton et avec les aspirations de cette motion, en espérant que la BPI ne considère pas Arc International et le site d’Arjowiggins de Wizernes comme des "canards boiteux", comme le disait avec délicatesse son ancien président, un certain Jean-Pierre JOUYET, à propos de l’usine ArcelorMittal de Florange.
Oui, il est temps de mobiliser nos outils financiers, de les renforcer pour soutenir les projets industriels dont dépendent nos territoires, car il faut bien constater que le secteur bancaire classique fuit le risque !

L’affaire Kerviel est politique

Mon camarade François Guiffard, du PG du Douaisis, m'a proposé la contribution qui suit sur l'affaire Kerviel, que j'accueille bien volontiers sur mon blog car elle permet de revenir sur le fond de cette affaire. Si Jérôme Kerviel a été condamné par la justice française, il faut comprendre comment on en est arrivé là. L'acteur central de ce scandale n'est bien sûr pas sans responsabilité, mais le rôle que le système financier tente de lui faire endosser est démesuré, comme s'il en était une déviance alors qu'il en est un produit direct. À gauche, nous nous intéressons à toutes les délinquances, que ce soit celle du voleur de portable ou que ce soit celle du trader trainé en justice, pas seulement du point de vue moral mais aussi social et économique. En ce sens, l'affaire Kerviel vaut plus que celui qui l'incarne, elle prend rang de symbole.

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L’affaire Kerviel arrive t-elle à son terme ? Après avoir marché de Rome jusqu’à la frontière française, l’ancien trader a été interpellé dimanche 18 mai à Menton. Bien que non exempt de responsabilité, Kerviel apparaît comme le bouc émissaire idéal pour le monde de la finance.

            24 octobre 2012, la Cour d’appel de Paris, confirmant le jugement de premier instance, condamne Jérôme Kerviel à une peine de 5 ans de prison dont 2 assortis de sursis. La juridiction le condamne par ailleurs à rembourser en totalité le préjudice subi par la Société générale, partie civile, qui s’élève à un peu plus de 4,9 milliards d’euros. Montant record. C'est une première dans l'Histoire de la justice française : un citoyen sera condamné à rembourser une dette… qu'il ne pourra jamais rembourser ! C’est plus qu’une peine à perpétuité. Dès cette annonce, de nombreuses personnalités (dont Jean Luc Mélenchon et Eva Joly) sont venus soutenir sa cause, non seulement au vu de la sentence exceptionnelle qui lui a été réservée, mais au vu également des faits qui lui ont été reprochés.

            Ce fils d'une coiffeuse, brillant étudiant, est considéré durant des années par son employeur comme un prodige de la finance. La Société Générale le pousse alors chaque année à atteindre des objectifs de plus en plus risqués. Et en 2007, Kerviel réussit "l'exploit" de lui rapporter 1,5 milliard d’euros. Impossible de remporter cette somme sans miser gros. Impossible aussi qu’une telle banque ne soit pas au courant de ses agissements. Elle le félicite d'abord, mais cette même année marque un tournant. La crise financière s’amorce, et 2008 elle éclate pour de bon. La banque en grande difficulté annonce une perte de 4,9 milliards d'euros. Pour l'institution bancaire, c'est son trader de haute voltige qui en est la cause. Il aurait à son insu joué trop gros.

            Pour brouiller les cartes, la Société Générale mêle par un jeu d’écriture comptable les pertes liées à la crise des subprimes aux transactions de Kerviel. Mieux, le Ministère de l’Economie décide de lui donner un coup de pouce via un mécanisme qui permet à une banque de récupérer une partie de ses pertes (33%) si elles résultent d’une action frauduleuse. Oui mais voilà, encore faut-il prouver la fraude. Or, sans même attendre le jugement (la Société Générale avait déjà porté plainte contre Kerviel), Christine Lagarde, alors à Bercy, décide de "rembourser" à la Société Générale 1,7 milliard d’euros. Un milliard sept-cent millions d'euros sortis tout droit de la poche des contribuables ! De fait, il est facile de comprendre que dans cette affaire, Jérôme Kerviel est le bouc émissaire idéal. Il n'a été qu'un pion dans un système financier dominant et violent, déshumanisé et déconnecté de l'économie réelle. Il fallait désigner un fraudeur pour que la responsabilité de la banque passe au second plan, la condamnation de Kerviel était donc indispensable.

            A l'époque François Hollande s'était indigné de la situation. Il avait même déclaré à la télévision : « Comment admettre que lorsqu’une banque fait erreur, ce soit le contribuable qui paye ? ». Aujourd'hui Président, c'est à lui que Jérôme Kerviel s'adresse pour lui demander d'intervenir. Celui qui avait pour ennemi la finance va-t-il laisser un homme seul porter une responsabilité à l'évident trop grande pour lui ? Y a-t-il une volonté réelle de reprendre en main le système financier ? On peut en douter en faisant le bilan des deux premières années du quinquennat.

Kerviel n’est donc pas une icône ni un modèle, mais bien une victime à défendre.

François Guiffard