Archives de catégorie : Actualité Politique

Lancement de campagne à Brouchy !

Brouchy

Samedi a eu lieu un premier temps fort de la campagne du Rassemblement unissant EELV, le PG, Nouvelle Gauche socialiste et Nouvelle Donne. Plus de cent militants et sympathisants, représentatifs de tous les territoires du Nord-Pas-de-Calais-Picardie se sont réunis à Brouchy, lieu stratégique au cœur de la nouvelle région au confluent de la Somme, de l’Aisne et du Pas-de-Calais. Pour y faire quoi ? La synthèse d’une dizaine d’ateliers programmatiques participatifs qui se sont tenus depuis un mois sur toute la région.

Toute la matière accumulée lors de ces ateliers, d’une grande richesse et diversité, a donné lieu à un vote préférentiel entre 850 propositions pour choisir les plus populaires.

Le résultat est sur le site du Rassemblement, en attendant le document programmatique de synthèse. Mais le processus continue, sur le site comme dans les prochaines réunions du Rassemblement, partout dans la grande région.

Nous sortons de Brouchy avec une force nouvelle, au sens propre comme figuré. La cohérence de nos orientations programmatiques et la chaleur créée entre les participants achevaient de souder les équipes pour entreprendre ensemble la conquête des cœurs et des intelligences de la région. Il faut maintenant que « ceux de Brouchy » communiquent cette fièvre d’avenir à toutes celles et ceux qui doivent prendre place dans la campagne.

Voilà, nous avons bien avancé sur les listes, sur le programme, nous avons une tête de liste aux dimensions du défi à relever en la personne de Sandrine Rousseau. Les voies sont ouvertes pour faire événement en Nord-Pas-de-Calais-Picardie !

Lettre ouverte à Fabien Roussel et aux camarades communistes

Cher Fabien, chers et chères camarades,

 

Alors que les reniements du gouvernement prétendument socialiste aggravent la triple crise démocratique, sociale et écologique que connaît notre pays, la majorité des citoyens se détournent de la politique quand ils ne cèdent pas aux sirènes de l’extrême-droite. Tu le sais aussi bien que nous, notre région n’est pas épargnée par cette situation catastrophique. Le taux de chômage, les catastrophes sanitaires telles que l’augmentation des cas de cancers, la pollution de nos eaux, de l’air, du sol, la précarité énergétique, l’échec scolaire sont autant d’indicateurs sur lesquelles notre Région flirte avec les records nationaux. Pourtant, les sondages promettent notre Région à la droite ou à l’extrême-droite 

Dans ce contexte dramatique, les élections régionales peuvent faire émerger une alternative politique, la nôtre, celle de l’Autre Gauche. Nous, militants anti-libéraux, progressistes, écologistes, combattants de toujours, avons la responsabilité de saisir cette occasion longtemps attendue de faire basculer la politique de notre  nouvelle grande région. Jusqu’ici nous résistions, il est temps de passer à l’offensive !

Nous nous adressons à toi, cher Fabien, car plusieurs obstacles restent à lever d’après de récentes déclarations de ta part.

Les parlementaires d’EELV votent majoritairement les textes gouvernementaux ? Mais ce n’est pas nouveau, nous le savions lorsque nous nous sommes tous rencontrés il y a des mois déjà, et qu’alors tu disais chercher un accord avec tous les partenaires. Du reste, durant les élections départementales de mars, le PCF et EELV se sont retrouvés dans des candidatures communes à Lille et dans toute l’Oise. Ce qui était acceptable en mars ne le serait-il plus en septembre ? À l’époque, Jean-Vincent Placé et François de Rugy étaient membres d’EELV, qu’ils ont quitté depuis. De notre point de vue, ce n’est pas au moment où les positions d’EELV sont de plus en plus compatibles avec celles du Front de gauche qu’il faut lui faire ce procès, au contraire. Jamais les circonstances n’ont été plus favorables à un rapprochement inédit de la gauche de résistance à l’austérité avec celle de la transition écologique.

Y a-t-il de si profondes différences entre le projet que pourraient défendre le PCF ou EELV à la tête de la région, qu’elles justifieraient de partir séparés ? Oui il y a de vraies différences de points de vue sur l’Europe, mais nous parlons ici de notre région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Nous partageons une même vision sur les compétences régionales, sur la répartition des richesses, sur la préservation d’un écosystème compatible  avec la vie humaine, sur l’investissement éducatif, etc. et bien sûr contre les politiques austéritaires qui nous réduisent à l’impuissance. Des partis différents, mais animés  par un même objectif  ont réussi à s’allier en 1936 ou dans le CNR. Malheureusement, la question du projet collectif n’a été qu’esquissée sans que les communistes y contribuent. C’est pourtant par-là que l’union peut et doit se faire. Nous vous y invitons une nouvelle fois.

Nous ne sommes pas seuls, nous les engagés dans le combat politique, à nous soucier d’une liste d’alternative rouge-verte. Les syndicalistes, les associations qui résistent, les défenseurs de droits de l’homme, les féministes, les lanceurs d’alerte, les défenseurs de l’environnement, les artistes, tous regardent avec inquiétude ce que nous décidons. Nous ne pouvons pas manquer au combat face à l’extrême-droite. Qu’allons-nous leur dire, que vas-tu leur dire, lors de tes rencontres avec les vraies forces vives de la région ? Que nous n’avons pas su nous entendre sur la tête de liste régionale ? Mais que leur importe à eux qui attendent notre soutien et qui sont prêts à nous accorder leur confiance?

Nous sommes placés devant une situation historique, qui nous met en grande responsabilité de relever le défi.  Vaincre ensemble ou périr chacun de son côté, c’est l’alternative qui nous est offerte. Camarade, as-tu perdu l’envie de gagner ? Devant les attentes du peuple, notre devoir n’est-il pas de conquérir la primauté à gauche pour ensuite nous imposer ?

Le Parti communiste ne peut faillir à son devoir. Ses membres ont toujours été à l’avant-garde contre le conservatisme et la réaction. Seuls, ils ne peuvent espérer trouver le chemin de la victoire. S’ils sont unis aux autres forces de la gauche alternative et écologiste, tout devient possible. Oui, les communistes sont indispensables à ce rassemblement, avec leur ténacité et leur savoir-faire ! Une représentation de premier plan leur est garantie, comme d’autres régions ont su en trouver entre représentants du Front de gauche et d’EELV, pour faire vivre la diversité de nos listes.

C’est pourquoi nous vous appelons solennellement, cher Fabien, chers et chères camarades, à reprendre avec nous le chemin d’une dynamique capable de renverser la situation autour d’une convergence du Front de Gauche et d’Europe-Écologie-Les-Verts, et de toutes les forces progressistes qui voudraient en être. Ceux qui veulent se rassembler dans notre mouvance ont pris position pour l’autonomie vis-à-vis du PS, tous pour les mêmes raisons : ça suffit ! Ce cri est partagé par des millions de nos concitoyens qui n’attendent que notre unité pour prendre la voie d’une autre politique.

Les Docteurs Folamour de l’Union européenne

6069004948_b7a89b4cc8_b

L’accord entre la Grèce et la Troïka (UE, FMI et BCE) le 13 juillet dernier marque une nouvelle étape dans l’autoritarisme européen. Sans redire ce qui a été très bien exprimé par d’autres (voir le dossier complet dans le Monde diplomatique du mois d’août 2015, parmi d’autres sources), j’aimerais revenir sur quelques points de cet événement qui m’ont particulièrement frappé.

C’est à cela que l’on reconnaît les génies. Stanley Kubrick a produit avec son Dr Folamour une œuvre qui prend place parmi les récits mythiques. Il a su, au sein de la nation américaine du début des années soixante c’est-à-dire en pleine Guerre froide, créer un film qui constitue un précipité d’émotions réunissant tout à la fois le rire salvateur devant la bêtise des puissants, et la peur devant les conséquences de cette bêtise. Chaque génération peut revoir Dr Folamour avec son propre œil et y trouver le reflet de son temps. Ainsi de la conduite de l’Europe dans ce qu’il est convenu d’appeler la « crise grecque », qui est en fait la manifestation de la crise morale et politique des dirigeants européens.

Oh bien sûr, c’est le fauteuil du Dr Schäuble, désormais célèbre ministre allemand des Finances, qui m’a d’abord fait penser au personnage du Dr Folamour, mais au-delà de cette ressemblance corporelle, c’est le caractère obsessionnel des deux intéressés qui les rapprochent. Le Dr Schäuble a eu une attitude durant les « négociations » de l’eurogroupe avec le gouvernement grec d’Alexis Tsipras qui témoignait de sa recherche du grexit, et de rien d’autre.

La grande nouveauté de la dernière séquence est inédite : pour la première fois, les protagonistes de la négociation, en particulier du côté grec, ont témoigné publiquement de la teneur des échanges, et cela change tout ! Réfléchissons-y, lorsque c’étaient Papandréou ou Samaras, les prédécesseurs de Tsipras, qui étaient humiliés (et à travers eux, tout un peuple), ils restaient psychologiquement solidaires de leurs homologues européens, tenus par des fils invisibles telles que l’appartenance aux mêmes groupes parlementaires européens (PSE ou PPE), ou simplement le fait d’appartenir à la même caste. On restait donc entre gens de bonne compagnie, même si c’était pour faire du sale boulot[1].

Le ministre grec sortant des finances, Yanis Varoufakis, a témoigné dans une interview donnée au Newstatesman (traduite ici) puis dans un article du Diplo du mois d’août. C’est un passage de la première interview qui m’a le plus frappé : « il y avait un refus catégorique de débattre d'arguments économiques. Refus catégorique. Vous mettez en avant un argument que vous avez vraiment travaillé – pour être sûr qu'il soit cohérent, logique – et vous n'avez en face de vous que des regards vides. C'est comme si vous n'aviez pas parlé. Ce que vous dites est indépendant de ce qu'ils disent. Vous auriez aussi bien pu chanter l'hymne national suédois, vous auriez eu la même réponse. Et c'est déconcertant, pour quelqu'un habitué au débat universitaire… l'autre camp réplique toujours. Et bien là, il n'y avait pas réplique du tout. Ce n'était même pas de la gêne, c'était comme si personne n'avait parlé. » Tout est dit. On ne peut mieux exprimer le blocage européen.

La discussion entre le gouvernement Syriza et ses homologues européens ne pouvait avoir lieu pour au moins deux raisons. D’une part, le Dr Schäuble est un tenant de l’ordolibéralisme, la doctrine économique allemande qui irrigue les politiques publiques du pays depuis la seconde guerre mondiale et considère que les règles garantissant la libre concurrence doivent toujours prendre le pas sur les politiques conjoncturelles[2]. Pour lui, la faillite d’un pays comme la Grèce relève de la faute morale, et les Grecs doivent expier avant toute chose. Dans ces conditions, aucun échange n’est possible avec un gouvernement venu discuter de la remise à plat des plans d’austérité. D’autre part, les gouvernements européens qui appliquent servilement une politique austéritaire n’ont nulle envie de céder un pouce de terrain à un partenaire dont l’objectif est de renverser ledit ordre austéritaire. L’irruption de Syriza et de ses représentants rompt le conformisme intellectuel qui préside à l’Union européenne. On le lui fait chèrement payer.

Si nous saisissons bien la portée de ce qu’exprime Varoufakis, aucune controverse sur l’état de la Grèce et de son économie, sur les mesures qui lui sont imposées, aucun souci de vérité ou d’efficacité de ce plan (qui n’a pas plus de chance de réussite que les précédents) et encore moins de sollicitude n’a cours dans les plus hautes sphères européennes. Bien sûr, nous nous en doutions fort, mais jamais nous n’avions eu de l’intérieur la confirmation du dogmatisme qui règne sur ces sommets. Peu importe ce qu’endurent les peuples, peu importe que les remèdes de cheval tuent le malade, du moment que le culte est célébré en grande pompe par ses servants.

Les hiérarques européens disent quelque fois plus qu’ils ne croient. Ainsi Donald Tusk, président du Conseil européen, lorsqu’il déclare au Financial Times le 17 juillet « La confrontation acharnée autour de la Grèce a donné un regain d’énergie aux groupes radicaux de gauche et de droite, créant une atmosphère pré-révolutionnaire que l’Europe n’avait pas connue depuis 1968 ». Devant la sainte trouille exprimée ici, les gouvernements européens recréent la Sainte-Alliance de 1815, l’entente entre monarchies qui visaient alors à empêcher la diffusion des idées révolutionnaires sur le continent. Car comme en 1815, la construction européenne que nous connaissons aujourd’hui ne se contente pas de rendre plus difficile le progrès social et écologique, elle est maintenant officiellement dans le camp réactionnaire ! Que règne l’ordre, sous peine de sortie du système.

Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis, qui ne sont pas des tendres, ont bien décrit l’atmosphère de règlement de comptes suscitée par les attaques du Dr Schäuble et de ses acolytes, et la claire volonté de virer le mauvais élève de la classe, à titre d’exemple. La volonté d’humilier les représentants grecs était manifeste, au mépris du minimum de considération que l’on serait en droit d’attendre des partenaires européens.

Pour finir, quelques pistes de réflexion.

D’abord, attaquer les dogmes économiques partout où c’est possible. Nos camarades de Podemos s’y sont attelés avec un certain bonheur en créant des émissions télévisuelles qui déboulonnent les certitudes par un débat implacable entre partisans et opposants de l’austérité[3]. Les austéritaires sont assez vite à cours d’argument lorsqu’ils sont confrontés aux conséquences réelles de leurs agissements. Menons la bataille culturelle.

Ensuite, l’économie, c’est d’abord du politique, l’accord véreux du 13 juillet l’illustre. Personne ne croit au succès de cet accord, obtenu dans des conditions invraisemblables et mis en œuvre tant bien que mal par la Grèce en… 8 jours. Le Canard enchaîné du 29 juillet s’est amusé à presque minuter la façon dont les 977 pages de l’accord ont été traduits au plan législatif par la boulé grecque. Rien de tout cela n’a de sens, toutes les règles démocratiques sont foulées aux pieds. Il nous revient de recréer la souveraineté populaire dans chaque nation du continent.

Enfin, rien n’est réglé, les prochains rounds sont pour bientôt. Nous savons que les Dr Folamour vont mener l’UE à sa perte, et qu’à ce moment-là, les Podemos, Syriza et autres Front de gauche, nous devrons être prêts à prendre nos responsabilités en bousculant les institutions.

 


[1] Seul Papandréou avait eu des velléités démocratiques en annonçant la tenue d’un référendum sur les mesures d’austérité en octobre 2011. En quatre jours, le manque de soutien de sa majorité PASOK, et les pressions européennes (« il faut tuer ce référendum » déclarait Manuel Barroso, alors président de la Commission) le faisait remplacer par un docile gouvernement de techniciens.

 

[2] Pour des explications sur l’histoire et l’influence de l’ordolibéralisme, voir l’excellent article collectif dans le Diplo du mois d’août.

 

[3] J’aimerais y revenir une prochaine fois, mais on peut consulter avec grand intérêt PODEMOS, sûr que nous pouvons !, de Carolina Bescansa, Iñigo Errejon, Pablo Iglesias & Juan Carlos Monedero, éditions Indigène (2015).