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Un petit hommage à Jaurès

198-10

Cent ans après son assassinat, à l’âge de 54 ans, Jean Jaurès reste une source extraordinaire d’inspiration pour tous ceux qui se réclament du socialisme. Il ne s’agit pas du Jaurès que l’on cite en fin de banquet mais de l’inspirateur quotidien du combat socialiste pour un autre monde. Je ne ferai pas ici un long hommage car il y a tant à dire entre le Jaurès journaliste, l’historien, le philosophe, l’orateur, le dreyfusard, le laïque, le pacifiste, le patriote, l’optimiste actif, et bien sûr le socialiste… D’autres le font mieux que moi.

Remarquons à propos de Jean Jaurès que c’est l’un des rares hommes politiques français à s’être « gauchi » avec le temps, l’inverse est malheureusement plus courant ! D’une sensibilité « républicaine », il est venu au socialisme d’une part grâce à son immense labeur intellectuel et d’autre part, par la confrontation et à la participation aux mouvements sociaux de son époque.

J’aimerais simplement partager avec vous la réponse de Jaurès à Georges Clémenceau à la Chambre des députés le 19 juin 1906 lorsqu’on l’attaque à propos de la violence ouvrière :

« Oui, monsieur le ministre, la violence c’est chose grossière, palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est noté. Un acte de brutalité, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. Le propre de l’action ouvrière dans ce conflit, lorsqu’elle s’exagère, lorsqu’elle s’exaspère, c’est de procéder en effet par la brutalité visible et saisissable des actes.

Ah, le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour d’un tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. Cela ne fait pas de bruit ; c’est le travail meurtrier de la machine qui, dans son engrenage, dans ses laminoirs, dans ses courroies, a pris l’homme palpitant et criant ; la machine ne grince même pas et c’est en silence qu’elle broie. »

Pour moi, (presque) tout est là. Le propos est limpide, l’image saisissante. J’admire cette capacité à mettre les mots sur les choses. Il dévoile avec netteté et sans misérabilisme la violence feutrée et hypocrite du système capitaliste. Jaurès est ici non seulement socialiste mais aussi sociologue, démontant les ressorts de la domination et de l’injustice, de façon très concrète.

Pour moi, cet extrait parmi tant d'autres tranche toute question de descendance de Jean Jaurès : quel homme politique aurait-il pu prononcer ces mots aujourd’hui ? Hollande ? Valls ? Cambadélis ? Sarkozy ? Le Pen fille ? Aucun de ceux-là bien sûr. Jaurès est vraiment à nous, la gauche de résistance.

 

NB : pour « débuter avec Jaurès », je ne puis que recommander l’ouvrage d’Alexis Corbière chez Bruno Leprince éditions.

L’affaire Kerviel est politique

Mon camarade François Guiffard, du PG du Douaisis, m'a proposé la contribution qui suit sur l'affaire Kerviel, que j'accueille bien volontiers sur mon blog car elle permet de revenir sur le fond de cette affaire. Si Jérôme Kerviel a été condamné par la justice française, il faut comprendre comment on en est arrivé là. L'acteur central de ce scandale n'est bien sûr pas sans responsabilité, mais le rôle que le système financier tente de lui faire endosser est démesuré, comme s'il en était une déviance alors qu'il en est un produit direct. À gauche, nous nous intéressons à toutes les délinquances, que ce soit celle du voleur de portable ou que ce soit celle du trader trainé en justice, pas seulement du point de vue moral mais aussi social et économique. En ce sens, l'affaire Kerviel vaut plus que celui qui l'incarne, elle prend rang de symbole.

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L’affaire Kerviel arrive t-elle à son terme ? Après avoir marché de Rome jusqu’à la frontière française, l’ancien trader a été interpellé dimanche 18 mai à Menton. Bien que non exempt de responsabilité, Kerviel apparaît comme le bouc émissaire idéal pour le monde de la finance.

            24 octobre 2012, la Cour d’appel de Paris, confirmant le jugement de premier instance, condamne Jérôme Kerviel à une peine de 5 ans de prison dont 2 assortis de sursis. La juridiction le condamne par ailleurs à rembourser en totalité le préjudice subi par la Société générale, partie civile, qui s’élève à un peu plus de 4,9 milliards d’euros. Montant record. C'est une première dans l'Histoire de la justice française : un citoyen sera condamné à rembourser une dette… qu'il ne pourra jamais rembourser ! C’est plus qu’une peine à perpétuité. Dès cette annonce, de nombreuses personnalités (dont Jean Luc Mélenchon et Eva Joly) sont venus soutenir sa cause, non seulement au vu de la sentence exceptionnelle qui lui a été réservée, mais au vu également des faits qui lui ont été reprochés.

            Ce fils d'une coiffeuse, brillant étudiant, est considéré durant des années par son employeur comme un prodige de la finance. La Société Générale le pousse alors chaque année à atteindre des objectifs de plus en plus risqués. Et en 2007, Kerviel réussit "l'exploit" de lui rapporter 1,5 milliard d’euros. Impossible de remporter cette somme sans miser gros. Impossible aussi qu’une telle banque ne soit pas au courant de ses agissements. Elle le félicite d'abord, mais cette même année marque un tournant. La crise financière s’amorce, et 2008 elle éclate pour de bon. La banque en grande difficulté annonce une perte de 4,9 milliards d'euros. Pour l'institution bancaire, c'est son trader de haute voltige qui en est la cause. Il aurait à son insu joué trop gros.

            Pour brouiller les cartes, la Société Générale mêle par un jeu d’écriture comptable les pertes liées à la crise des subprimes aux transactions de Kerviel. Mieux, le Ministère de l’Economie décide de lui donner un coup de pouce via un mécanisme qui permet à une banque de récupérer une partie de ses pertes (33%) si elles résultent d’une action frauduleuse. Oui mais voilà, encore faut-il prouver la fraude. Or, sans même attendre le jugement (la Société Générale avait déjà porté plainte contre Kerviel), Christine Lagarde, alors à Bercy, décide de "rembourser" à la Société Générale 1,7 milliard d’euros. Un milliard sept-cent millions d'euros sortis tout droit de la poche des contribuables ! De fait, il est facile de comprendre que dans cette affaire, Jérôme Kerviel est le bouc émissaire idéal. Il n'a été qu'un pion dans un système financier dominant et violent, déshumanisé et déconnecté de l'économie réelle. Il fallait désigner un fraudeur pour que la responsabilité de la banque passe au second plan, la condamnation de Kerviel était donc indispensable.

            A l'époque François Hollande s'était indigné de la situation. Il avait même déclaré à la télévision : « Comment admettre que lorsqu’une banque fait erreur, ce soit le contribuable qui paye ? ». Aujourd'hui Président, c'est à lui que Jérôme Kerviel s'adresse pour lui demander d'intervenir. Celui qui avait pour ennemi la finance va-t-il laisser un homme seul porter une responsabilité à l'évident trop grande pour lui ? Y a-t-il une volonté réelle de reprendre en main le système financier ? On peut en douter en faisant le bilan des deux premières années du quinquennat.

Kerviel n’est donc pas une icône ni un modèle, mais bien une victime à défendre.

François Guiffard

Bienvenue sur ce blog !

Après quelques semaines de préparation intense, j’ai le plaisir d’ouvrir ce blog qui me permettra de vous faire partager mon travail de militant et d’élu, et vous permettra de débattre avec moi.

Le blog ne contient pas encore l’intégralité de mes interventions au conseil régional depuis 2010, ce manque sera comblé progressivement.

Enfin, la conception technique et intellectuelle de cet outil doit beaucoup à deux camarades qui en sont les chevilles ouvrières, qu’ils en soient ici remerciés.

Bienvenue,  bonne lecture et cap à gauche toute !

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