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La fausse défaite du Front national

Votez Bonobo Arras mai 2012

Le paysage politique laissé par les départementales ne peut que nous laisser amers. Notre peuple souffre, et va souffrir encore plus. D’une part, l’électorat de gauche dégoûté des politiques gouvernementales a largement boudé les urnes, et laissé le champ libre à l’UMP-UDI, d’autre part la mobilisation de l’électorat FN menace lourdement l’avenir. Seule la bonne résistance de la gauche « non socialiste » nous laisse entrevoir un espoir.

Des départementales dans le Nord, on peut retenir plusieurs aspects. Tout d’abord, un effondrement du P « S » à peu près partout sauf dans les cantons lillois et dunkerquois où ce parti est fortement ancré. Ensuite, une victoire de l’UMP-UDI écrasante (avec 26 cantons sur 40), qui emporte le département. Enfin, une formidable résistance du PCF dans les cinq duels qui l’affrontaient au FN, dans des conditions de départ objectivement défavorables. Résultat : pas d’élus FN, ni à Dunkerque, ni à Roubaix, ni dans l’Est du département, du fait de la mobilisation des citoyens. D’une manière générale, alors que le FN était présent partout au second tour, il fait l’union des électorats contre lui et se fait battre.

Tout va bien alors ? Pas si vite. Même s’il n’obtient aucun élu, le FN rassemble dans le Nord au second tour 36,7% (273.000 voix) et talonne l’UMP-UDI (40,7%, 302.000 voix). À comparer au poids du PCF et assimilé (6,7% avec 49.600 voix) et au PS et alliés (111.700 voix pour 15%). Bien sûr, il s’agit de regroupements de second tour, mais dans ce contexte, le FN enregistre tout de même une poussée de 16.700 voix entre les deux tours alors que le nombre d’exprimés diminue de 60.000 voix. Pour le dire autrement, le FN connaît lui-aussi une dynamique d’entre-deux-tours, il n’a pas épuisé son potentiel de voix au premier tour.

Dans le Pas-de-Calais, le second tour a vu de nombreuses victoires de la droite (autour d’Arras par exemple), la résistance plus forte du PS qui garde une majorité relative au conseil départemental, la subsistance du PCF dans deux cantons sur 39, et bien sûr, la victoire du FN dans 6 cantons du Bassin minier.

Dans le détail, on s’aperçoit que nombre de cantons ont été pris ou gardés de façon marginale, à quelques centaines de voix près, voire même à quelques voix près (Arras-1, Douvrin…). Ici, le FN rassemble au second tour 41,5% des voix (211.300) contre 35,6% au premier tour (190.300 voix). En gagnant 21.000 voix entre les deux tours, le FN montre qu’il enregistre une dynamique qu’il ne faut pas oublier pour la suite. Il est, de loin, le premier parti du Pas-de-Calais.

Il ne remporte que six cantons ? Ceux-ci sont groupés sur le Bassin minier, qui témoignent d’un effondrement du système P « S » qui aura duré un siècle. À part le canton de Lillers remporté dans une triangulaire, les autres cantons sont gagnés dans des duels dans lesquels les candidats d’extrême-droite semblent avoir bénéficié du report d’une partie des électeurs de la droite classique qui se sont saisis du bulletin FN pour battre le PS. Tout cela est lourd de menaces pour le Pas-de-Calais, car avec plus de 40% des voix, le FN est en passe de balayer tout l’écosystème politique local. Ces 6 cantons peuvent n’être que l’avant-garde dans la conquête du Bassin minier par les idées racistes et égoïstes de l’extrême-droite. Triste sort pour un Bassin minier d’où sont sorties toutes les solidarités ouvrières et une si grande fierté collective.

Si l’on situe historiquement ces élections départementales, elles achèvent un cycle politique très local entamé avec les municipales de mars 2014. Dorénavant, les enjeux vont se déplacer au niveau des super-régions (décembre 2015) et au plan national (2017). Cela ne signifie pas que les défaites ou conquêtes locales de 2014-2015 n’y ont pas d’importance, mais que les états-majors partisans vont reprendre du poids vis-à-vis des aspects localo-locaux, ne serait-ce que pour le financement des campagnes : on ne finance pas les régionales (a fortiori dans une région de 6 millions d’habitants) comme les départementales (où chaque canton est une unité séparée). Cet aspect technique des prochaines élections va automatiquement centraliser les décisions au niveau des états-majors qui ont… la faculté d’emprunter. Tout aussi automatiquement, cela ne facilite pas l’implication citoyenne que nous appelons de nos vœux. De même, le mode de scrutin, proportionnel à deux tours avec possibilité de passer au second tour à partir de 10% des exprimés, change radicalement la stratégie à tenir, et permet à nos forces politiques d’aller concurrencer durement le P « S » en créant une alternative à sa gauche.

Si l’on élargit la focale à l’ensemble de la future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le champ de bataille n’est pas moins brun. La synthèse des résultats sur les cinq départements fait apparaître une extrême-droite à 39,6%, en situation de gagner une triangulaire et d’emporter la région. Dans le détail, le FN gagne 5,4% et plus de 63000 voix entre les deux tours (alors que la participation a diminué dans les cinq départements). Il existe donc un électorat de second tour pour le FN. Ainsi, les résultats du FN lors des départementales ne lui ont pas permis de gagner beaucoup de cantons, mais le mettent en position favorable pour le prochain scrutin des régionales qui se jouera à la proportionnelle et verra très probablement trois gros blocs s'affronter au second tour.

Face à cela, que dit et fait le P « S » ? Il se réjouit d’avoir résisté (localement) et promet de ne rien changer dans les politiques nationales (Hollande-Valls-Macron et consorts). Le déni de réalité dans lequel s’enferme en particulier Valls (qui dit encore « être de gauche », c’est dire !?) entraîne son parti dans la débâcle. Nous regardons avec intérêt ce qui se passe du côté des frondeurs (peu nombreux et encore incroyablement légitimistes) et d’Europe écologie-Les Verts (EELV). Car la conséquence logique du rapport de force politique Extrême-droite/Droite/sociaux-libéraux/vraie gauche est l’injonction à l’unité pratiquée par le P « S ». « Qui osera jouer la division ? » comme le dit Hollande. Voilà le rêve caressé par les solfériniens, que devant la situation où se trouve l’électorat de gauche une amicale pression fasse rentrer dans le rang les amis écologistes voire communistes, au prétexte du péril FN. Je me sentais pleinement solidaire de Hervé Poly, présent sur le plateau de France 3 région dimanche soir, qui dut répondre à plusieurs reprises à son intervieweuse (qui revenait lourdement à la charge) que non, ce n’était pas « la division » de « la gauche » qui avait créé cette situation et qu’il est légitime de se présenter seuls quand on n’est vraiment pas d’accord. Et ce n’est là qu’un avant-goût de ce qui nous attend dans les mois qui viennent. Les appels à l’unité, corollaires de l’appel au vote utile, vont se faire de plus en plus pressants, y compris de la part de gens très bien intentionnés.

Eh bien, il faudra y résister, car si le gouvernement a annoncé qu’il ne changera pas de cap (il aggrave même son cas en annonçant un « contrat unique » de travail qui va encore insécuriser les salariés, véritable provocation), nous n’avons pas de raison de céder notre droit d’aînesse pour un plat de lentilles. La question d’un rassemblement de premier tour avec le P « S » ne se pose pas pour le PG, ce qui n’exclut pas la fusion démocratique au second tour sur la base des résultats du premier, pour ne pas faire de cadeau à la droite et à l’extrême-droite. Nous n’avons pas fait tout ce que nous avons fait depuis 2009 pour nous retrouver sous la bannière en lambeaux des libéraux-sociaux.

Deux remarques en passant. D’abord, pour souligner le décalage entre les résultats du FN et le faible nombre de cantons emportés (6 dans le Pas-de-Calais, 1 dans la Somme, 2 dans l’Oise et 4 dans l’Aisne, soit 13 sur 145 en Nord-Pas-de-Calais-Picardie), conséquence du mode de scrutin à deux tours qui est, pour le moment, défavorable globalement au FN. Mais la prochaine élection sera à la proportionnelle. Ensuite, pour dire ironiquement que la droite va maintenant devoir gérer des départements exsangues où s’applique impitoyablement la politique d’austérité qu’elle soutient et appelle de ses vœux. On va donc la voir à l’œuvre !

J’ai surtout consacré ce billet à parler des résultats du FN, car il me semble que c’est maintenant un sujet incontournable pour nous, la gauche sincère. Il faut admettre que le mouvement de révolte que nous attendions contre le système, contre les inégalités et pour la justice sociale, contre les politiques au service des puissants, pour une autre Europe, s’exprime d’une part par la désertion des urnes, et d’autre part, par un vote de protestation à l’extrême-droite. Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, le volcan s’ouvre à droite, vraiment à droite. Le FN fait très habilement campagne sur des thèmes « sociaux » (retraite à 60 ans !) par pur opportunisme, tout en flattant le sentiment victimaire des Français (vis-à-vis de la construction européenne ultralibérale, des élites forcément corrompues et cosmopolites), Français qui sont menacés de déclassement et dépossédés de leur souveraineté collective. Par-dessus tout, le FN est devenu crédible –plus encore que l’UMP – dans le registre sécuritaire et dans celui de l’ordre social. Il existe une forte attente d’un ordre social plus strict de la part de ceux qui triment et ne s’en sortent pas. Et au lieu de tourner le regard vers les ultrariches ou l’optimisation fiscale des multinationales, le FN dénonce les (rares) fraudeurs au RSA et promet de remettre les assistés au travail. Sa rhétorique construit des boucs émissaires, toujours au sein du peuple (l’immigré, le titulaire du RSA…), se rangeant implicitement du côté des gens honnêtes, tranquilles et surtout blancs.

Voilà le phénomène auquel nous sommes confrontés, qui gagne en audience, et auquel nous voulons apporter des réponses de gauche. Le travail est en cours. Pour l’heure, constatons que partout où nous, le PG, pesons, nous sommes unitaires pour deux ou trois, et contribuons à forger l’alternative à Gauche au P « S », comme à Lille. C’est un acquis sûr, que nous voulons généraliser pour refonder l’espoir.

Marine Le Pen est une délinquante !

Marine Le Pen vient d’être condamnée en première instance au tribunal de Béthune, à l’occasion d’un procès dont j’ai déjà parlé ici. Je reprends le communiqué d’Alexis Corbières, secrétaire national du Parti de Gauche en charge de la lutte contre l’extrême-droite, paru ce jour.

« Le Tribunal correctionnel de Béthune a rendu aujourd’hui sa décision dans l’affaire dite des « faux tracts » édités par Marine Le Pen, durant l’élection législative de juin 2012, contre Jean-Luc Mélenchon.

La décision est nette : Marine Le Pen est condamnée, et lourdement, puisque sa peine s’élève à 10 000 euros.

C’est une grande victoire d’abord pour Jean-Luc Mélenchon, mais aussi pour tous les militants du Front de Gauche, pour toutes les femmes et les hommes attachés à la démocratie, pour la République, contre l’extrême droite.

Dans la lutte contre le FN, cette condamnation est d’importance. C’est la première fois que Marine Le Pen est sanctionnée pour des manœuvres frauduleuses durant des élections.

Nous souhaitons qu’à l’avenir tous ceux qui s’opposent au FN et ses idées y puisent du courage pour continuer d’agir. Cette condamnation démontre que le FN de Marine Le Pen reste une formation aux pratiques politiques inacceptables et, comme c’est le cas ici, souvent illégales. Pour le Tribunal de Béthune, la Présidente du FN est une délinquante.

Mais, après cette première décision du Tribunal de Béthune, le combat continue. Dès cet après-midi, le FN a annoncé qu’il faisait appel. Un nouveau procès aura donc lieu. Nous ne doutons pas qu’il rendra une décision confirmant cette première condamnation et peut-être même alourdira-t-il la peine prononcée aujourd’hui, jusqu’à prononcer l’inéligibilité de Marine Le Pen.

La défense de Jean-Luc Mélenchon, assurée par Me Raquel Garrido et Erwan Lorvellec continuera à mettre toute son énergie pour que justice soit pleinement rendue et que ceux qui fraudent durant les élections soient sanctionnés comme il se doit. La République ne doit pas tolérer ceux qui trichent contre elle. Cela concerne tous les citoyens. »

Un FN hors de la République

J’ai assisté le 6 février 2014 à la dernière séance du procès opposant Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, dans ce que l’on appelle « l’affaire des faux tracts » de la campagne des législatives de 2012 à Hénin-Beaumont.

Riche journée à Béthune. On le sait, Marine Le Pen est traduite en justice à la demande de Jean-Luc Mélenchon après que des sympathisants FN aient distribué de faux tracts mettant en scène le candidat du Front de gauche à l’élection législative de juin 2012. J’ai pu assister aux deux dernières sessions de ce procès, le 10 décembre 2013 et le 6 février 2014,en compagnie de nombreux camarades du PG venus soutenir moralement notre cause.

Tout d’abord, j’ai découvert ce qu’est un tribunal et son fonctionnement. La justice y est rendue publiquement. Les petits délits et les affaires privées s’y retrouvent exposés sans fard. Le 10 décembre, notre affaire a été traitée après deux autres cas de droit commun relatifs à des faits de conduite sans permis et de violence sous l’emprise de l’alcool. Je crois pouvoir dire que mes camarades et moi-même étions souvent gênés d’assister à ces deux jugements qui disaient avant toute chose la condition des prévenus.

Pour revenir à notre affaire, l’avocat de Mme Le Pen, Me Wallerand de Saint-Just, a déployé à chaque occasion des trésors de ruses. Mines, bombes à retardement, mâchicoulis et chausse-trapes n’ont pas de secrets pour lui, mais en vain. Soulever une question prioritaire de constitutionnalité sur l’application d’un article du code électoral peut être après tout légitime, sauf quand on l’utilise soi-même dans une autre procédure où l’on est dans le camp de l’accusation… Bref, rien n’aura été épargné aux juges de Béthune, ni à la patience de Jean-Luc qui a fait l’effort de venir à deux reprises pour assister au procès, malgré un agenda qui est comme d’habitude très chargé.

Soulignons l’attitude du FN. Marine Le Pen n’est jamais venue aux audiences. Son avocat amuse le tribunal en multipliant des effets de procédure qui sont régulièrement désavoués par les juges. Enfin, tout de même, nous avons pu entendre aujourd’hui les plaidoiries sur le fond.

Je me permets de résumer très brièvement l’argument de la partie civile (nous) : il n’est pas admissible en démocratie qu’un candidat fabrique de toutes pièces un tract qui sera attribué faussement à un autre, sous peine de fausser le débat argumenté. Le citoyen doit pouvoir (c’est vrai tout le temps, mais encore plus en période électorale) faire son opinion sur la foi des documents produits par les candidats. À partir du moment où l’un d’eux crée des faux, c’est tout le mécanisme intime de formation de la conviction qui est enrayé ou dévoyé.

La thèse soutenue par le défendeur du FN est que la production du document incriminé relève de la liberté d’expression. Le lien entre Mme Le Pen et le faux tract ne serait pas établi, et donc la responsabilité de l’accusée ne saurait être mise en cause. D’ailleurs, Mme Le Pen « ne se sent pas concernée » par l’affaire. Quant à ses aveux sur France 3 Nord-Pas-de-Calais disant « j’assume » la responsabilité de ce tract, et annonçant qu’il y en aurait d’autres, il s’agissait pour elle selon Me Saint-Just de « couvrir ses troupes ».

On mesure par là le rapport à la vérité du FN, et son insertion dans le système républicain. Fausser le jugement des électeurs ne pose pas de problème à Mme Le Pen, qui loin de condamner ces pratiques, les a assumées puis s’est courageusement rétractée sur une ligne de défense inepte. Ces gens-là ne reculent devant rien, surtout pas la tromperie. Avis donc aux électeurs ! Le FN ne produit pas des arguments, il distribue de la fausse monnaie électorale. Finalement, l’affaire des faux tracts est un révélateur supplémentaire du caractère anti-républicain de ce parti.

Devant la gravité des faits, le PG invite à s’associer à un appel pour des élections honnêtes http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/faux-tracts-de-marine-le-pen-appel-pour-des-elections-honnetes/ que je vous incite à relayer sans modération. Il a été rejoint par Pierre Laurent (PCF), Clémentine Autain (FASE), Christian Picquet (GU), Daniel Tartakowsky (LDH), Emmanuelle Cosse (EELV), Annick Coupé (Solidaires), Eva Joly, etc .

Résultat du délibéré le 3 avril prochain.