Ce mercredi soir, après ma journée de travail, j’ai assisté à une réunion de l’association Osez le féminisme, qui s’est tenue au Café citoyen de Lille. Quelques impressions…
J’étais curieux de voir quel public viendrait assister à une réunion féministe un 12 février 2014 à Lille, dans le contexte politique et social qui est le nôtre. Je m’y suis présenté comme simple militant du parti de gauche.
Première surprise : presque une quarantaine de personnes, dont quelques hommes, se pressent au premier étage du café (une institution lilloise qui accueille des centaines de réunions associatives, débats et événements par an, dans une ambiance détendue). J’y retrouve ma camarade Christine M. qui me fait le plaisir de venir également. Nous nous installons vaille que vaille dans l’espace étroit et la réunion commence. Son déroulé va beaucoup me plaire.
D’abord un tour de table va permettre de découvrir les prénoms, et souvent les âges et professions (selon ce que les un-e-s et les autres vont bien vouloir dire) des participant-e-s. Nous sommes bien ici en milieu urbain, plutôt avec un public de cadre supérieur et plutôt dans le secteur public. Cependant, il y a aussi un nombre significatif d’étudiantes. Certain-e-s participant-e-s font état de leur appartenance à d’autres organisations féministes.
Une première séquence va permettre à une membre de « pousser un coup de gueule », c’est-à-dire de partir sur un élément polémique récent afin de lancer les débats. Cette camarade a choisi de s’attaquer à la capitulation du gouvernement devant la Manif pour tous, qui consiste à reporter sine die la loi « famille » qui était tant attendue. Le ton est déterminé, et la critique contre le « gouvernement socialiste » fait mouche, y compris chez celles qui sont membres de ce parti. L’intervenante souligne la contradiction entre la volonté affichée de « changer la société », et les actes. Elle conclut en faisant remarquer l’hypocrisie de la démarche qui va toucher de manière inégalitaire les femmes en attente de procréation médicalement assistée (PMA) puisque les plus riches d’entre elles pourront continuer à pratiquer l’insémination artificielle à l’étranger, et pas les plus pauvres. Que dire de plus ?
Une deuxième intervenante inaugure la rubrique historique en rappelant l’origine de la journée internationale de la femme, le 8 mars : le mouvement féministe socialiste de la fin du 19ème et début du 20ème siècle, la Révolution d’octobre (Lénine fixe la date du 8 mars qui restera), Clara Zetkin, etc.
L’association organise une journée du 8 mars à la gare Saint-Sauveur.
Après une pause bienvenue, nous reprenons la réunion avec un jeu de questions-réponses sur le thème « que répondre aux objections lorsque vous vous annoncez comme féministe ? ». Moment très drôle et profond à la fois : l’assistance s’amuse d’abord à trouver toutes les remarques les plus courantes, les plus bêtes, et souvent sexistes, à l’égard des féministes. Celles-ci seraient des bourgeoises, pas drôles, ont un problème avec les mecs (dont les causes peuvent être multiples…), etc. Avec beaucoup d’esprit, deux responsables de l’association vont inventer des réponses plus ou moins sèches à l’endroit des machos avérés, conscients ou pas. Par l’humour, le message passe bien mieux. Du fait de l’ambiance détendue, quasiment tout le monde participe au débat, apporte et apprend quelque chose. C’est une forme d’éducation par l’intelligence face à la bêtise à front de bœuf qui s’affiche souvent sans complexe dans les manifestations réactionnaires.
Le bilan de ce genre de réunion militante publique me semble très bon. La moyenne d’âge plutôt basse (autour de 30 ans) du public ainsi que son enthousiasme font plaisir à voir, au moment où tant de structures militantes (syndicales, partisanes ou associatives) s’interrogent sur le renouvellement de leurs cadres. L’un des contrecoups du printemps réactionnaire de 2013 sera-t-il un renouveau du mouvement féministe ? La soirée d’aujourd’hui me laisse optimiste sur ce point. Après les événements d’Espagne, pays qui remet en cause le droit à l’avortement, nous devons nous tenir prêts à tout.