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Charlie Hebdo : résister pour conjurer l’horreur

Il y a des soirs où les mots manquent, alors que les idées et sensations se bousculent dans nos têtes. Larmes, colère, incrédulité, sentiment d'irréalité…

Avec l’assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo et de deux policiers, nous avons vécu ce jour une tragédie qui marquera chacun et chacune d’entre nous. De lâches meurtriers se sont attaqués à des journalistes et dessinateurs qui incarnaient la liberté d’écrire et de rire de tout.

Notre peine est redoublée par le fait que nous connaissions depuis des années les figures sympathiques et militantes à leur façon des victimes. Les dessins et le style des Cabu, Wolinski, Charb et Tignous nous étaient si familiers depuis tant d’années qu’ils nous ont tous influencés d’une manière ou d’une autre. Ils ne peuvent être remplacés, une autre génération doit prendre maintenant la relève pour que vive la presse libre.

Les disparus de Charlie Hebdo représentaient ce qu’un fondamentaliste ne peut pas accepter : la liberté d’être irrespectueux. Alors qu’une grande partie de la presse est liée par le conformisme libéral, soit par paresse, soit par dépendance aux annonceurs publicitaires, Charlie fait partie du petit nombre de journaux qui cultive son indépendance économique pour ne dépendre que de ses lecteurs.

Bernard Maris, économiste libre et iconoclaste (un keynésien, c’est dire !), fait aussi partie des victimes. Sa voix et son impertinence nous manquerons là comme sur France Inter…

Quelle belle mort vous avez eu mes camarades ! Tomber sous les coups du fanatisme à front de bœuf que vous vous plaisiez à dénoncer à longueur de numéros, c’est confirmer combien votre combat était juste, combien vous avez touché là où ça fait mal.

Les écervelés qui vous ont ôté la vie ne représentent rien, et surtout pas « les musulmans ». En vous abattant, ils ont voulu vous faire taire. Avaient-ils conscience d’attenter à une part de la culture de notre pays incarnant les valeurs de mai 68, héritière des libelles de l’Ancien Régime, des feuilles de la Révolution et des satiristes de presse ? Vous avez perpétué tant bien que mal une culture libertaire de l’ironie grinçante, ce petit pas de côté qui fait ressentir, réfléchir et réagir.

La réaction des foules qui se sont pressées spontanément ce soir sur les places de France fait chaud au cœur. Cependant, elle ne répond pas (encore) au problème du maintien du pluralisme dans la presse. En particulier, garantir l’existence de Charlie Hebdo est maintenant un enjeu politique, sinon les terroristes auront atteint leur but !

Face aux féodalités économiques comme face aux fanatismes, résistance !